ANGUIS IN HERBA - Le serpent sous l'herbe

14 mai 2009

Matin Première : un nomade à Verviers.

Sur les chaînes de la RTBF, l'émission Matin Première est sans doute une des émissions d'information les plus imporantes de la radio. Outre les traditionnels journaux parlés, cette émission informe sur des sujets aussi divers que le sport, l'économie ou les nouvelles technologies.

Or voilà qu'un de leurs chroniqueurs, Paul Hermant, est arrivé à Verviers il y a quelques jours. Crayon et carnet en main, il s'est intéressé à notre ville et à son avenir. Et ce que le journaliste Ertébéen à trouvé comme futur pour l'ancienne cité lainière n'est pas vraiment à son goût ... ni du miens, d'ailleurs.

La chronique de ce journaliste est criante de vérité. Paul Hermant a tout de suite mis le doigt sur le bobo qui, si on ne fait pas attention, deviendra vite un abcès purulent. Bien entendu, une petite chronique ne peut pas aller dans les détails, mais elle est une très bonne photo de la menace ForumInvest.

Je laisse à présent la parole au journaliste :

08.05.09 - 04:45 Je suis en région, Pascal. Et décidément, on n'arrête pas, dans ces chroniques nomades d'écouter le cœur des villes en essayant d'y entendre battre leur avenir. Je suis à Verviers, Pascal, capitale de l'eau.


Et depuis quelques années, il existe un projet, sur les rives de la Vesdre à Verviers, d'ailleurs ça s'appelle comme ça : « Les rives de Verviers» : un méga centre commercial, 30.000 m2, 20 m de haut et 260 m de long. Dans la ville, dans son cœur même, donc.

Entre Saint Antoine et Notre Dame, on dirait, sur les plans, une basilique que l'on aurait couchée mais qui culminerait tout de même à hauteur des clochers. Comme si le dieu du commerce voulait ici tutoyer le sacré. Un temps, il fut question que le commerce mange aussi la Vesdre. Il allait la recouvrir, l'avaler, la digérer. La Vesdre
recouverte par une dalle commerciale, même l'Unesco s'en est ému.

Ce centre commercial, c'est le sujet de controverse à Verviers. Il est tellement chaud que de cette couverture, si j'ose, on ne parle en ville que sous le manteau.

Bon, de couverture, il n'est plus question, le projet a été refusé par la Région, révisé par ses promoteurs, et la Vesdre ne sera plus couverte, mais elle continuera d'être cachée, dissimulée, comme si les villes aujourd'hui préféraient les poumons verts de leur banlieue aux artères bleues qui parcourent leur cœur. On se demande pourquoi Verviers qui est la capitale wallonne de l'eau semble se méfier de celle qui coule, sauvage et roulante, et paraît préférer celle qui vient des fontaines, domestique et domptée. C'est fou ce qu'il y a de fontaines, à Verviers.

Alors on se promène, on marche un peu la Ville. Belle, la ville, jolies les places. Nos pas nous entraînent au Musée de l'eau. On comprend alors que l'eau, ici, a toujours été avec la laine. Que l'eau a fondé l'industrie, que l'eau est industrielle, que l'eau ici est d'abord utilitaire. Et que la ville peut-être bien se venge de celle qui l'a rendue riche et puis l'a abandonnée, comme si tout à coup elle s'était retirée.

Car on a retiré à Verviers, et la laine et le textile, et puis aussi le chocolat Jacques et les éditions Marabout, même ce cher André Blavier qui nous y accueillit autrefois est parti. Pierre Rapsat aussi d'ailleurs -vous vous souvenez, Pascal, « l'enfant du 92ème »- dont le quai qui porte son nom sera lui aussi avalé par « les rives de Verviers ».

Alors bien sûr, on comprend qu'une ville cherche, quand elle se cherche. Faire evivre commercialement le centre-ville, voilà l'idée. Mais, me demandent les auditeurs qui m'ont invité à venir voir : est-ce qu'un centre commerçant doit forcément être un centre commercial ? C'est à des questions comme celles-là qu'on est content d'avoir des auditeurs.

En 1860, un Verviétois, Eugène Mélen, inventa une machine à tremper, dégraisser, laver et rincer la laine. Elle était tellement énorme, cette laveuse, qu'elle lui fit penser à un monstre. Il la baptisa donc « Léviathan ». On peut la voir encore, elle trône sur un quai de Vesdre, pour les touristes. En face, à quelques centaines de mètres, une autre berge se dit qu'on l'a bien vu déjà, que les Léviathan n'ont qu'un temps. Allez belle journée et puis aussi bonne chance.

- Paul Hermant, Chroniques Nomades, La Première, RTBF.

Lien vers l'article : http://www.rtbf.be/info/matin-premiere/chronique-nomade-verviers-106223