Depuis quelques jours, la presse locale verviétoise met en avant une action en justice menée par des propriétaires d'immeubles, soutenus par leur syndicat national, contre le nouveau règlement communal "incendie". De son côté, l'échevin Alfred Breuwer défend bec et ongles son règlement.
Nous allons donc tenter de voir plus clair dans ce nouveau conflit ...
Pour la majorité des propriétaires, ce nouveau règlement implique les mesures suivantes :
- Isolation complète des appartements les uns par rapport aux autres par des cloisons coupe-feu.
- Portes coupe-feu à tous les étages.
- Eclairage de sécurité dans les lieux communs (escaliers).
- Extincteurs sur les paliers.
- Exutoire de fumée sur le toit.
- Réseau électrique et gaz répondant aux dernières normes en vigueur.
- Si un commerce est présent, il doit être totalement isolé du reste de la maison. Fini donc les portes d'accès aux parties privées, par exemple.
- Présence d'un système d'alarme incendie.
- etc ...
Voyons donc tout cela en détail.
Si l'intention de l'échevin d'éviter de nouvelles catastrophes comme celle de la rue Léopold à Liège est bien evidemment louable, l'application d'un tel règlement dans une ville comme la nôtre est totalement irréalisable. En effet, pour la plupart des immeubles à appartements de Verviers qui hébergent deux ou trois locataires en moyenne, ce genre d'investissement est bien trop lourd. La plupart des propriétaires concernés se retrouvent avec des devis allant de 25000 à 50000 euros pour que leur maison soit mise aux nouvelles normes. C'est totalement irréalisable pour ces personnes qui ont déjà emprunté pour acheter leur bâtiment et qui peuvent aussi souffrir comme tout le monde de la crise économique actuelle. Beacoup de propriétaires louent d'ailleurs des parties de leur maison pour pouvoir payer leur hypothèque et, dans ces conditions, ils peuvent rencontrer des difficultés pour obtenir un supplément d'argent auprès de leur banque car leur capacité de remboursement ne serait plus suffisante.
De plus, les délais de réalisation des travaux donné par la ville, allant souvent de trois à six mois, sont totalement irréalistes. Obtenir un prêt de la banque, la visite d'un architecte indispensable dans certains cas et décrocher les corps de métier requis pour assurer ces travaux prendra déjà bien plus de temps que ce qui est octroyé.
Un tel règlement aura inévitablement des conséquences néfastes pour bien des familles. Ceux qui peuvent assumer les travaux s'en sortiront mais pour les autres, la galère commence. Beaucoup seront dès lors obligés de mettre leurs locataires à la porte et, sans doute, de mettre leur habitat en vente. Nous risquons dès lors de voir énormément de personnes sans logement et je ne crois pas qu'Alfred Breuwer sera en mesure de leur procurer à tous un logement (social ou non) répondant à ces nouvelles normes. Il faut donc s'attendre pour les mois qui viennent à de véritables drames sociaux dans notre ville.
Quel serait donc le compromis idéal ?
Je pense que ce règlement doit être revu en profondeur et s'adapter à chaque cas. Pour les nouvelles constructions, il peut évidemment être appliqué sans problème et il doit l'être.
Mais le centre-ville est constitué de bâtiments construit au 18e et au 19e siècle, une époque où les normes de construction n'étaient pas les mêmes. Pour ces immeubles, on ne peut pas demander la même chose que pour une nouvelle construction. D'abord parce que ces aménagements sont trop lourds financièrement. Ensuite parce que ces aménagements risquent de dénaturer le bâtiment (p.ex. disparition des plafonds artistiques des maisons de maître). Enfin parce que certaines demandes sont simplement irréalisables. Dans ces cas spécifiques, on peut se contenter de demander que le système gaz-électricité soit aux normes, qu'un extincteur soit à portée des locataires et que les sorties soient équipés de lumières de secours. On peut aussi attendre que des rénovations importantes soient planifiées pour opérer les autres mises en conformité (p. ex. profiter de la rénovation de la toiture pour placer un exutoire de fumée).
En ce qui concerne les aménagements de la surface commerciale, il est important de tenir compte du type de commerce. Il est clair que le risque encourru par la présence d'un commerce de détail et par celle d'une friterie n'est pas le même. Dans le premier cas, l'exigence d'une isolation complète est totalement excessive.
Personnellement, j'espère que l'action en justice des propriétaires arrivera à la mise en place d'un tel compromis. Je souhaite aussi que chaque cas soit analysé et que les situations financières et familiales de chaque propriétaire soient pris en compte dans la mise en place de délais de mise en conformité.